Aujourd’hui, nous avons participé à a manifestation du 8 mars à Lyon
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Cette manifestation est un succès, ayant largement rassemblé en dépit du contexte sanitaire. Plus de 10 000 personnes ont ainsi foulé la rue, majoritairement des femmes, venus réclamer leurs droits et dénoncer les injustices. Entre cette manifestation et celle du 8 mars précédent, un immense espace semble existe.
Entre le 8 mars 2020 et le 8 mars 2021 le monde a changé. La pandémie est passée par ici, avec son lot de deuil, son lot de souffrances, son lot de difficultés.
Ces difficultés n’ont pas été également réparties. Pour une partie de la population relativement privilégiée, le confinement a pu être agréable, voir être un simple désagrément. Pour d’autres, en revanche, il a été une épreuve de forces.
C’est, dans l’ensemble, le cas des femmes.
Depuis le début de la pandémie, les femmes ont été en première ligne.
En première ligne dans les activités professionnelles, en particulier dans le secteur médical. En effet, les fonctions les plus exposées (infirmières, aides-soignantes …) sont majoritairement féminines.
En première ligne dans la vie de tous les jours. Les tâches domestiques leur ont souvent échu, tout comme la gestion des enfants, des courses, du ménage …
En première ligne face aux violences : stress, désespoir, angoisse … se sont manifestées de diverses manière. Y compris par une hausse dramatique des violences physiques, morales, sexuelles, violences dont les femmes ont été les principales victimes.
A la levée du confinement, elles ont retrouvé les harcèlements de rues, les agressions quotidiennes, exacerbées, la aussi, par l’atmosphère d’apocalypse propre à cette année.
Quant à l’avenir, il est loin d’être rose : les perspectives économiques sont médiocres. Or, les femmes sont, statistiquement, plus en situation de précarité que les hommes. Cette triple peine fait de l’année 2020 une année difficile, anxiogène.
De plus, le gouvernement est loin d’avoir montré un exemple parfait.
La nomination d’une personnalité comme Gerald Darmanin au poste de ministre de l’intérieur a été un signal profondément négatif envoyé par le gouvernement à toutes les femmes. Quant à la capitulation de Marlène Schiappa, qui prétendait qu’elle « ne serrerait pas la main à quiconque accusé de viol », celle-ci illustre pleinement l’absence de principes ces les politiciens. D’ailleurs, dans l’ensemble, les délinquants sexuels riches, les violeurs mondains, ont la vie belle en France.
Dans d’autres pays dont la Pologne, l’offensive anti-femme prend toujours plus d’ampleur. Les droits des femmes sont constamment sous les feux des réactionnaires. Rien n’est jamais acquis !
Pour autant, en dépit de ses faiblesses, nous ne pouvons que reconnaître que la mise en place d’un âge minimal du consentement est une forme d’avancée. Elle n’impose plus aux victimes les plus jeunes le calvaire de devoir démontrer le non-consentement. Il s’agit d’un timide pas en avant.
En dépit de la situation complexe, il existe des prémices de victoires :
D’une manière générale, la vague de fond de #metoo (et son équivalent #metoogay) se poursuit, libérant les paroles. Aujourd’hui, les agresseurs savent que la vérité peut sortir à tout moment. Dans d’autres pays du monde, sous l’influence grandissante de courants de pensée progressiste, des victoires apparaissent. Le mouvement des femmes, dans les pays d’Asie, d’Amérique Latine, d’Afrique, remporte progressivement des victoires. Dans les prémices de démocraties populaires, comme au Rojava ou dans certaines parties de l’Inde, les groupes d’autodéfense féministes permettent de mettre fin aux violences sexistes et imposent une société nouvelle.
Il est indéniable que les mentalités avancent. Ces avancées rencontrent cependant une résistance acharnée de réactionnaires fanatiques, qui tremblent devant l’effondrement de leur monde. Cette avancée des mentalités met en exergue les pratiques d’un autre temps. Elles les rendent d’autant plus insupportables.
Le militantisme n’est pas un monde à part !
Une lame de fond féministe traverse l’ensemble de la société. Y compris un monde militant souvent très masculin.
Nous sommes une organisation qui reste, en dépit d’une progression certaine, toujours majoritairement masculine. Cette situation est révélatrice du fait que nous ne parvenons pas encore à développer une ligne efficace, ni que nous de parvenions à surmonter un grand nombre de travers, que ce soit dans notre vie personnelle ou militante. Il nous reste encore un travail profond à réaliser pour nous dépêtrer nous même de nos travers. Nous ne pouvons nous exempter nous-mêmes de reproches. Mais nous en avons conscience, dans l’ensemble, ce qui nous permet d’agir dessus.
Nous pensons qu’on ne peut pas déclarer qu’il existe un monde militant antisexiste, pur, coupé des controverses et des agressions. C’est un fait indéniable. Contrairement à d’autres sujets où la différence entre une position de principe et la pratique ne se voit pas, sur la question du sexisme, ces subterfuges ne prennent pas. La question du féminisme est une question qui touche les rapports d’une moitié de société avec une autre (en simplifiant grossièrement, les choses ne sont pas si binaires.), il est donc impossible d’y échapper. Notre pratique à des implications concrètes.
Parfois, les revendications féministes sont minorées, laissées de côté. Il en est de même pour d’autres revendications qui demandent des changements d’attitude, des corrections, une autocritique réelle. Elles sont perçues comme étant nuisible à l’unité, comme étalant « le linge sale » au vu et au su de toutes et tous, ou comme ayant vocation à créer un safe space illusoire.
L’argument se retourne aisément.
Le vrai safe-space nuisible, lequel est-ce ? N’est ce pas en tout premier lieu celui du machisme quotidien, du racisme larvé, des résidus pourrissants du vieux monde, qu’on refuse de combattre ? Nous le rappelons à nouveau : ce ne sont pas les revendications féministes qui fracturent l’unité populaire, c’est au contraire le sexisme qui repousse « la moitié du ciel » loin des organisations militantes.
Parfois, dans la lutte pour l’unité populaire, contre les pratiques et les mentalités sexistes, il existe des contradictions.
L’an passé, nous nous sommes exprimés et exprimées sur certains contradictions qui peuvent exister dans les luttes féministes. Nous souhaitons revenir sur celles-ci.
Comme toutes les luttes qui concernent un pan entier de la société – en l’occurrence environ la moitié de celle-ci – les luttes des femmes ont une dualité qui leur est propre. Il n’existe pas de monolithe qui se nomme ‘la femme’, mais bien une réalité complexe, contradictoire. Femmes prolétarienne, femmes réactionnaires, femmes bourgeoises…
Ces contradictions traversent l’ensemble des mouvement féministes. Elles se voient aussi dans les luttes.
Un mouvement complexe.
Celles-ci sont à la fois des luttes contre leur situation d’inégalité juridique, sociale, matérielle, politique …Ce sont des luttes pour s’émanciper du patriarcat, être la maîtresse de sa chair, de sa destinée. Ne plus être considérée comme un utérus, une proie, une machine à travail domestique … Toutes les femmes partagent, en toute objectivité, un intérêt commun à réaliser ces objectifs.
Mais, ces luttes sont également traversées par d’autres luttes démocratiques (antiracistes, antifascistes …) ainsi que par la lutte des classes. Les luttes féministes sont incluses dans le vaste mouvement pour l’émancipation générale et pour la réalisation d’une nouvelle société. C’est cette dualité constante qui explique aussi qu’il existe une telle variété de mouvement et de positions.
Les influences réciproques entre les deux formes créent des conflits et des contradictions, celles-ci sont d’ailleurs parfois brouillées par une phraséologie de gauche, gauchiste. Parfois elle se double même d’un sectarisme déroutant, alors qu’elle porte un contenu finalement libéral, droitier, petit bourgeois. Derrière des mots d’ordres grandiloquents se dissimule parfois le maintien de la vente de la chair, la servitude volontaire.
Or, si toutes les femmes ont objectivement intérêt au féminisme et à l’égalité des droits, elles ne sont pas toutes pour autant favorables à une société sans État ni classe. Certaines ont intérêt même à une société capitaliste, impérialiste. Mais tant qu’existera la domination et l’exploitation, leur statu sera constamment menacé.
Le libéralisme peut-il être antisexiste ?
Le libéralisme peut, en dernière instance, se passer du sexisme et du patriarcat. Mais il ne peut se passer de la domination, du surtravail domestique, et, finalement, il tend à reproduire constamment la domination. Cette tendance existe même au sein des couples homosexuels, elle existe dans l’ensemble des cellules familiales sous chacune de leurs formes.
Le fait est que les rapports de domination peuvent aussi muter, évoluer, prendre des formes nouvelles. Mais le besoin d’extorquer un travail gratuit persiste. Et il persistera tant qu’existera l’exploitation générale.
Nous nous inscrivons dans une tradition qui ne se positionne pas d’une manière humanitaire. Nous voulons résoudre définitivement le patriarcat et le sexisme qui en découle. Cela ne signifie pas attendre la révolution pour poser ces questions. Cela ne signifie pas non plus qu’un changement de régime implique mécaniquement l’effondrement du patriarcat. L’expérience a démontré qu’il s’agit d’un processus long, lent, complexe. L’expérience a aussi montré que ces questions ne sont jamais mieux traitées que par les femmes elles même, et que la substitution a leur parole, à leur expérience, est souvent la meilleure manière de ne rien régler.
Nous voyons dans le mouvement de lutte des femmes non pas une composante séparée du grand affrontement de classe, du grand mouvement d’émancipation général. Au contraire, il s’agit d’un pilier. Défiler le 8 mars, c’est pour nous une manière d’apporter notre soutien à ces luttes.
En mémoire de toutes celles qui se sont battues. Pour l’honneur de toutes celles qui se battent. Pour celles qui sont tombées. Vive le 8 mars ! Vive les luttes des femmes !