Le rôle de Staline et de Trotski dans la Révolution d'Octobre
Traductions existantes
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L'évaluation du rôle de Staline dans et pour la Révolution d'Octobre est d'une grande importance toujours actuelle pour le mouvement Révolutionnaire international.
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En raison de son bannissement au cercle polaire depuis 1913, Staline avait été exclu du travail de parti – seulement la Révolution bourgeoise-démocratique de Février 1917 lui apporta la liberté. Contrairement à certaines exagérations qui furent diffusées ultérieurement par son entourage, il constata lui-même en 1926 : « Finalement je me souviens de l'année 1917 lorsque je fus envoyé à Leningrad, par la volonté du parti, après mes séjours dans des prisons et lieux de banissement. Là, dans le cercle des ouvriers russes, dans la proximité immédiate du grand maître des prolétaires de tous les pays, du camarade Lénine, dans la tempête des grandes batailles entre le prolétariat et la bourgeoisie, sous les conditions de la guerre impérialiste, j'ai pour la première fois appris à comprendre ce que signifie être un dirigeant du grand parti de la classe ouvrière. ...Là, en Russie, je suis devenu, sous la direction de Lénine, un maître de la Révolution. » (Stalin, Werke, t. 8, p.155-156 ; TDLR) Au cours de son activité Révolutionnaire, entamée en 1898, Staline mena, outre son rôle d'organisateur inlassable de luttes ouvrières avant 1917, un débat idéologico-politique dans deux domaines qui étaient de la plus haute importance pour le succès ultérieur de la Révolution d'Octobre.
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La solution de la question paysanne fut le problème principal de la stratégie et tactique révolutionnaires en Russie tsariste. Sur l'exemple de Lénine, dont le premier ouvrage théorique s'occupa du développement de l'agriculture, Staline reprit cette question à temps. Il s'opposait à des idées illusoires du parti des sociaux-révolutionnaires, qui voulaient développer un « socialisme » à partir des villages en distribuant des terres, sans mettre en cause le mode de production capitaliste. Il souligna l'importance des paysans comme alliés principaux contre les idées opportunistes des Menchéviks qui accordaient le rôle dirigeant dans la lutte contre le tsarisme à la bourgeoisie. Sans satisfaire les revendications de terres des paysans par l'expropriation révolutionnaire des grandes propriétés foncières, la réalisation de la Révolution d'Octobre n'aurait pas été possible. Ce faisant, il était évident que la création de millions de fermes individuels ne pouvait, tout d'abord, pas présenter un mode de production socialiste – mais l'agriculture était soumise à la direction politique du prolétariat, à la dictature démocratique des ouvriers et paysans. En 1906, Staline souligna: « Il faut poser chaque question de façon dialectique, c'est-à-dire, nous ne devons jamais oublier que tout change, que tout a son temps et son lieu, et que, en conséquence, nous devons poser les questions aussi en concordance avec les conditions concrètes. Cela est la première condition préalable pour la solution de la question agraire. » (Stalin, Werke, t. 1, p. 204 ; TDLR) Trotski par contre proclama en 1917 de façon unilatérale „À bas le tsar, à nous le gouvernement ouvrier ». Il considérait la dictature du prolétariat être dirigée contre les paysans, ce qui fut rejeté par Lénine et Staline.
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La deuxième clé pour la réalisation avec succès de la Révolution d'Octobre fut la solution correcte de la question nationale. À cette fin, Staline avait, en 1913, par son ouvrage fondamental « Le marxisme et la question nationale », mené des batailles préliminaires idéologiques importantes pour les Bolchéviks . En mars 1917, il présenta un « plan positif » sur cette base : « La base sociale de l'oppression nationale, du pouvoir qui l'inspire, c'est l'aristocratie provinciale en déclin ... Écarter l'aristocratie féodale de la scène politique, lui arracher le pouvoir – cela signifie justement liquider l'asservissement national et créer les conditions factuelles nécessaires à la liberté nationale. Il s'agit de proclamer donc : 1. l'autonomie politique (pas fédération) des territoires qui forment un territoire économique clos avec un mode de vie particulier et une composition nationale de la population, et où la 'correspondance » et les 'cours' doivent avoir lieu en langue maternelle ; 2. le droit à l’autodétermination pour ces nations qui pour l'une ou l'autre raison ne peuvent pas rester dans le cadre d'un ensemble étatique. » (Stalin, Werke, t. 3, p. 15-18 ; TDLR) Il s'ensuit que Staline devint commissaire (= ministre) aux affaires des nationalités après la Révolution.
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Dans la stratégie et tactique pour la transition de la révolution bourgeoise-démocratique à la révolution socialiste, les Bolchéviks avaient temporairement fait preuve d'incertitudes au début de 1917 qui furent surmontées, après le retour de Lénine de l'exil, par ses thèses d'avril. Staline constata de façon autocritique : « En tâtant, le parti essaya d'arriver à cette nouvelle orientation. Il suivit une politique de pression par les Soviets sur le Gouvernement Provisoire dans la question de la paix, et ne put pas se décider de faire immédiatement le pas en avant … vers le nouveau mot d'ordre ' Pouvoir des Soviets '... Cette conception erronée, je l'ai partagée à l'époque avec d'autres camarades du parti, et ce fut seulement à la mi-avril que j'ai rompu complètement avec elle, lorsque je me suis associé aux thèses de Lénine. » (Stalin, Werke, t. 6, p. 298 ; TDLR)
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Lors du congrès de parti suivant en mai, Staline fut réélu au Comité central après cette longue période de bannissement, et travailla dans son bureau politique comme collaborateur le plus proche de Lénine. Lorsque, après l'insurrection échouée de juillet 1917, les Bolchéviks furent de nouveau contraints à la clandestinité et que Lénine dut quitter le pays, il assuma la direction opérative du parti. Le coup militaire de Kornilov en août 1917 aggrava la situation. Dans les mémoires de Stanislav Pestkovski, publiés en 1922, est dit à ce propos : „Dans les jours de l'affaire de Kornilov, je rencontrais souvent Staline dans l'institut Smolny … Là, je constatai que le travail principal pour préparer la Révolution d'Octobre avait été fourni par trois membres du comité central, Staline, Swerdlov et Dzerjinski. Le comité de Petrograd et l'organisation militaire travaillaient sous leur direction. Ce fut Staline à qui avait été confié la direction exclusive du côté politique des préparations. De même, il fut le directeur de l'organe du parti … aucune conférence de parti, aucune réunion organisationnelle de quelconque importance eurent lieu sans que Staline y prît la parole. Par conséquent, les membres actifs du parti le connaissaient très bien. »* Cependant, Staline fut moins connu du public – ce qui résultait dans le fait que des observateur extérieurs comme par exemple John Reed dans son livre « 10 jours qui ébranlèrent le monde » méconnurent le rôle réel de Staline et mirent plutôt Trotsky en lumière. Seulement au 6e Congrès en août 1917, Trotski, sur la proposition de Staline, fut admis au parti. Au même congrès fut rejeté la motion inspirée par Trotski qui disait de prendre les mesures pour la prise de pouvoir seulement après le succès de la révolution en Europe de l'Ouest. Lorsque plus tard Trotski tenta de se présenter comme le véritable dirigeant de la Révolution d'Octobre, Staline constata de façon lapidaire : « Portons-nous maintenant vers la légende quant au rôle particulier de Trotski lors de l'insurrection d’octobre. Les Trotskistes s'affairent à diffuser la rumeur que Trotski aurait été l'inspirateur et le dirigeant unique de l'insurrection d'Octobre … Loin de moi l'idée de vouloir contester le rôle sans doute important de Trotski lors de l'insurrection. Cependant je dois dire que Trotski, lors de l'insurrection d'Octobre, avait en aucun cas joué en rôle particulier ni aurait pu le faire, qu'il a, en tant que président du Soviet de Petrograd, seulement exécuté la volonté des instances données dans le parti qui avaient dirigé chaque pas de Trotski. » (Staline, Werke, t. 6, p. 293 ; TDLR) En réalité, le comité de cinq camarades, qui avait été élu pour la direction imminente de l'insurrection, fut composé de Sverdlov, Dzerjinski, Bubnov, Ouritski et Staline – Trotski reçut de celui-ci ses instructions.
Dieter Klauth, MLPD rédaction spécialisée en histoire du Rote Fahne
* (cité dans: I. Don Levine – „Stalin. Der Mann von Stahl“ (« Staline. L'homme de fer »), Hellerau 1931, p.106; TDLR)