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Le virage à droite du gouvernement de Merkel est l'expression de sa crise latente

Rote Fahne Interview de Stefan Engel, 7 juin 2016


Ce n'est pas seulement au sujet du virage à droite du gouvernement – Stefan Engel fournit des réponses précises et pertinentes aux questions centrales du développement actuel en Allemagne et au niveau international : Quelle est la suite de la crise de VW ou qu'est-ce que le MLPD entend par pays néo-impérialistes ? La crise de la politique bourgeoise à l'égard des réfugiés a-t-elle pris fin depuis que les réfugiés sont moins nombreux à venir en Allemagne ? Et comment la préparation du Xe Congrès avance-t-elle ? Ceci ne sont que quelques-unes des questions que le magazine Rote Fahne [drapeau rouge] a eu l’occasion de poser au président du MLPD. (Imprimé dans le magazine Rote Fahne 12/2016)

Rote Fahne : L’AfD a obtenu des résultats de deux chiffres lors des élections au Landtag. Ne faut-il pas y voir un glissement vers la droite ?

Stefan Engel : Sans aucun doute c’est pour la première fois dans l’histoire de l’Allemagne d’après-guerre qu’un parti ultraréactionnaire et extrêmement antipopulaire avec un programme nationaliste et raciste a pu s'établir en Allemagne avec l’AfD. Les partis ouvertement néofascistes n'y sont pas arrivés en raison de l'attitude fondamentalement antifasciste des masses. Tout de même qualifier la situation en Allemagne de glissement vers la droite serait une représentation simplifiée. Parmi les masses des tendances opposées se développent qui sont l'expression d'une polarisation sociétale. D'un côté une croissance de tendances de droite, néofascistes, racistes. De l'autre côté une croissance significative d'activités antifascistes et antiracistes, un renforcement de la volonté de lutte syndicale, une activité croissante de la jeunesse, une disposition à l’aide et une solidarité internationalistes et une recherche poussée d'une alternative sociétale. Cela s'accompagne d'une politisation parmi les masses : La tendance principale est toujours un revirement progressiste de l'état d'esprit qui a commencé en 2015, même si les contremesures des dominants ont influencé nettement le climat politique.

L'AfD a obtenu ses voix avant tout comme supposé « parti de protestation ». En réalité l'AfD est un parti ultraréactionnaire, extrêmement antipopulaire et aussi un ramassis pour des néofascistes et d'autres ultraréactionnaires misanthropes. Le fait que l'AfD a obtenu davantage de voix parmi les larges masses a beaucoup à faire avec une conscience de classe encore peu élevée, mêlée au mécontentement et la colère généraux face aux partis établis.

La principale base de masse de l'AfD est la petite bourgeoisie menacée par la ruine, ce sont des commerçants indépendants, restaurateurs, paysans, mais en partie aussi des ouvriers arriérés, des gens sans travail et appauvris. Apparemment les dominants cherchent une force de contre-réaction et une méthode efficaces face au mécontentement croissant des masses et leur recherche d'une alternative sociétale. Le glissement vers la droite du gouvernement de Merkel/Gabriel a aidé l'AfD de manière décisive à remporter ses succès électoraux actuels. Il n'y a plus de débat télévisé sans représentants éminents de l'AfD où ils peuvent propager librement leur démagogie raciste, xénophobe et islamophobe en public devant des millions de téléspectateurs. Le fait est également intéressant qu'une grande partie des dons à l'AfD provient de petits monopoles comme l'entreprise de constructions mécaniques SMS Group ou l'armateur de Hambourg, Folkard Edler. La bourgeoisie non monopoliste ou les monopoles qui n'appartiennent pas au capital financier dominant sans partage aspirent à une nationalisation de l'économie et essaient ainsi d'éviter la lutte concurrentielle internationale à laquelle ils ne se sentent pas en mesure de tenir tête. Pour cette raison ils s'opposent aussi à une ouverture trop étendue des marchés, à l'UE et d’autres formes qu’a créées le capital financier international dominant sans partage.

La polarisation sociétale creuse la base de masse de la grande coalition des CDU/CSU et SPD et leur système longtemps « éprouvé » du mode de pensée petit-bourgeois. Dans quelques sondages le SPD s’est déjà retrouvé au-dessous de la marque historique de 20 pour cent. Dans un sondage, la semaine dernière, environ deux tiers de la population ont prononcé leur avis qu’Angela Merkel – qui était tout de même l'une des politiciens les plus populaires pendant des années – ne devrait plus être chancelière après les prochaines élections aux Bundestag.

Nous devons être vigilants face aux tendances fascistes et racistes, mais ne devons pas non plus être dupe de la thèse d'un glissement vers la droite qui veut imputer à la population la responsabilité du virage à droite du gouvernement.

Rote Fahne : On peut constater aussi à l'échelle internationale que des gouvernements ou partis bourgeois effectuent un virage à droite ou une nette fascisation de l'appareil d'État. Comment faut-il le juger ?

Stefan Engel : Les élections présidentielles en Autriche montrent comment un parti ultraréactionnaire, fascisant comme le FPÖ a pu devenir le parti le plus fort. C’est seulement de justesse qu’il a perdu le second tour, dimanche, contre le candidat à la présidence fédérale vert Van der Bellen. Mais son candidat Hofer a obtenu tout de même 49,7 pour cent des voix. En Turquie et en Russie on constate également une forte fascisation de l'appareil d'État et de la politique gouvernementale. On y effectue une véritable chasse aux gens progressistes et révolutionnaires, des droits démocratiques sont restreints, la presse est mise sous contrôle de l'État et la population est soumise à de massives représailles. En Russie, il n'existe actuellement qu'un droit de manifester en grande partie limité, et toute opposition contre Vladimir Poutine est réprimée. En Turquie, le président de l'État, Recep Tayyip Erdoğan, a levé l'immunité de presque tous les députés de l'alliance électorale des kurdes et des gauches progressistes et révolutionnaires en Turquie, le HDP, – pour être en mesure de les poursuivre ouvertement en juridiction pénale et les mettre hors de combat. Aux États-Unis un milliardaire ultradroitier fascisant, Donald Trump, présente sa candidature aux élections présidentielles pour les Républicains, et en Inde, le hindou-fasciste, Narenda Modi, a remporté les élections en 2014. En Europe aussi, il y a des tendances ultradroitières, fascisantes en Pologne, Hongrie, Macédoine et Slovaquie. Tout cela montre que la réaction à l’intérieur et à l’extérieur apparaît de plus en plus ouvertement avec les crises de l'impérialisme.

Certainement cette situation intimide les masses en partie, mais leur ouvre aussi les yeux sur le vrai caractère du système social et les rend réceptives au travail de persuasion marxiste-léniniste pour le véritable socialisme. Le point décisif sera, en fin de compte, s’il y a des partis ouvriers révolutionnaires qui savent utiliser cette situation.

Rote Fahne : Dans la dernière interview tu as estimé que le MLPD commence à entrer dans un nouveau rôle sociétal. Cette tendance s’est-elle poursuivie ?

Stefan Engel : En Allemagne des situations se développent de plus en plus dans lesquelles seuls les marxistes-léninistes peuvent guider le pôle progressiste, révolutionnaire de la polarisation en Allemagne. Ainsi ce n’étaient que le MLPD et Rebell qui ont pu opposer une résistance active à un concert fasciste à Hildburghausen. Des forces essentielles du Linkspartei [parti de gauche] ou des autonomes « anti-allemands » ont mis en garde contre la manifestation, même ouvertement par peur d'une confrontation avec les fascistes.

Aux élections municipales en Hesse l'alliance électorale non-liée à un parti AUF Kassel a obtenu presque 30 pour cent des voix dans le quartier Rothenditmold. Le marxiste-léniniste bien connu, Hans Roth, a obtenu le meilleur résultat individuel et a même été élu représentant du bourgmestre plus tard. Ce résultat électoral ne peut pas s’expliquer uniquement par un travail quotidien et systématique et un ancrage améliorés au sein de la population de Kassel, mais est l'expression d'un revirement général de l'état d'esprit. Là où les masses reconnaissent une claire alternative de gauche, elles sont aussi prêtes à donner leur soutien aux alliances dans lesquelles le MLPD collabore au-delà des réserves anticommunistes.

En particulier dans les luttes autonomes et syndicales de ces derniers temps, les ouvriers et ouvrières ont demandé, dans certains cas, expressément le soutien du MLPD et de ses représentants ; parce qu'ils avaient perdu confiance en la direction syndicale et sa politique de collaboration de classes. Ce nouveau rôle sociétal consiste avant tout dans le fait que nous devons nous placer à la tête de la lutte antifasciste, à la tête de la lutte pour une alternative sociétale, à la tête des luttes ouvrières, des femmes combatives ou aussi du mouvement écologique combatif – et que nous en sommes aussi capables. Cela est certainement un défi particulier à nos camarades qui, jusqu'à présent, sont souvent seulement habitués à collaborer avec engagement – mais pas à diriger les mouvements de façon responsable. En fin de compte la confiance dans le parti, dans les masses et leur capacité combative est décisive si ce rôle est accepté et réalisé.

Rote Fahne : Avec la fermeture de la route des Balkans, avec le repoussement militaire des flux de réfugiés d’Afrique et avec le pacte conclu avec le régime d’Erdoğan le gouvernement de Merkel/Gabriel a fait en sorte que le flux de réfugiés vers l'Allemagne ait diminué considérablement. La crise de la politique bourgeoise à l'égard des réfugiés est-elle finie avec cela ?

Stefan Engel : Certes, par toutes ses mesures moins de réfugiés sont venus en Allemagne et en Europe – mais il n'y a pas un seul réfugié de moins dans le monde à cause de cela. Il durera certainement encore un certain temps jusqu'à ce que les réfugiés trouvent encore de nouvelles routes pour venir en Europe. Cependant le problème ne se désamorcera pas à l'avenir mais s'aggravera plutôt. Car les causes de la migration dues aux guerres, catastrophes écologiques, à la misère sociale et la répression continueront à augmenter. Nous voyons de plus en plus clairement par quels moyens inhumains on s’en prend aux réfugiés le long des frontières – ce qui a abouti à la résistance active des gens dans les camps de réfugiés en Grèce. Avec sa nouvelle loi sur l’intégration, le gouvernement allemand continue à restreindre le droit d'asile, et il veut cataloguer les demandeurs d'asile et les réfugiés de personnes de seconde et de troisième classe. Nous rejetons résolument cette discrimination. Elle n'a rien à voir avec un comportement digne envers les réfugiés. Nous sommes des internationalistes prolétariens ! Nous nous engageons pour l'unification de la classe ouvrière dans le monde entier, nous sommes fermement du côté des opprimés dans le monde. Les réfugiés ont fui leurs pays parce qu'ils ne peuvent plus vivre à l'ancienne manière et que les dominants ne sont pas en mesure d'accueillir ces réfugiés avec dignité. Cela conduira à une situation de crise politique et est aussi une base importante pour une politisation des réfugiés. Nous devons les gagner à ce qu'ils luttent pour leurs droits sociaux et s'engagent en fin de compte pour une alternative sociétale et la révolution internationale.

La crise de la politique bourgeoise à l'égard des réfugiés reste le talon d'Achille du gouvernement dont nous devons profiter pour mobiliser les gens contre le gouvernement.

L'essence réactionnaire de l'impérialisme allemand devient de plus en plus évidente par sa politique à l'égard des réfugiés et n'est pas acceptée par les gens telle quelle. Nous nous trouvons donc dans une situation de changements significatifs – qui confronte nous, les marxistes-léninistes, à un défi particulier.

Rote Fahne : Comment peut-on expliquer le fait que VW n’arrive pas à contrôler sa crise ?

Stefan Engel : Tant que le groupe Volkswagen était un monopole confondu en premier lieu avec l'État national allemand et protégé efficacement par celui-ci devant l'intervention de ses concurrents, de telles activités criminelles comme les manipulations des gaz d'échappement des véhicules diesel étaient possibles sans problèmes et dans le silence. Elles ont été protégées par le gouvernement, des institutions étatiques et par la direction syndicale de droite ou bien intégrées dans leurs systèmes de duperie. Cependant, sur la base de la nouvelle organisation de la production internationale cela ne fonctionne plus si facilement en raison de la lutte concurrentielle développée entre les supermonopoles internationaux.

Les activités criminelles qui ne sont pas inhabituelles chez de tels supermonopoles échouent de nos jours à maintes reprises à cause de la contradiction entre le mode de production internationalisée et le caractère national des structures monopolistes d'État.

Actuellement sort de plus en plus de l’ombre de quelle manière d’autres supermonopoles aussi tels que la Deutsche Bank ou la Commerzbank passent outre à la législation en vigueur ou l'adaptent en fonction de leurs besoins. Les révélations des « Panama-Papers » montrent la tolérance étatique à l'égard d'un cabinet d'avocats qui crée plus de 200 000 sociétés boîte aux lettres comme la Mossack Fonseca panaméenne avec lesquelles des banques, des politiciens et des groupes fraudent le fisc de sommes qui se chiffrent par milliards et concluent des affaires pour consolider leur puissance. Les contradictions croissantes parmi les masses jusqu'aux protestations de masse contre TTIP montrent que les masses sont de moins en moins d'accord que le capital financier international dominant sans partage établit son pouvoir sur la société entière avec de moins en moins de scrupules.

Rote Fahne : Le MLPD qu’est-ce qu’il envisage de faire à propos des activités criminelles de VW ?

Stefan Engel : Dès le début, le MLPD a lancé le slogan que premièrement l’escroquerie criminelle de l’équipe dirigeante de VW doit être tirée au clair sans ménagement. Il était ridicule que déjà dans la première prise de position de la part du conseil de surveillance l'ancien chef d’IG Metall (syndicat métallurgique), Berthold Huber, avait déclaré que Martin Winterkorn n'avait rien à voir avec toute cette affaire – encore avant qu’on n’ait examiné quoi que ce soit. Ici les responsables principaux devraient être lavés de toute culpabilité dès la première minute.

Deuxièmement, il faut organiser une résistance sur toute la ligne contre la répercussion des fardeaux de la crise sur le dos des ouvriers et des masses par le groupe VW. Cela concerne la réduction des paiements supplémentaires aux ouvriers et ouvrières ainsi qu’aux employés, mais aussi la suppression d’emplois, avant tout parmi les intérimaires ; et cela concerne également le non-paiement d'impôts aux communes par VW ce qui peut provoquer des coupes considérables des obligations municipales, sociales et écologiques.

Le MLPD a publié une brochure sur VW pour transmettre aux ouvriers une position de classe à propos de tous ces événements. Lors des négociations sur les conventions collectives, la colère du personnel de VW s'est déchaînée le 11 mai, quand 61 000 employés de VW ont participé aux grèves d'avertissement. Ils n’ont pas seulement manifesté pour la revendication d'une augmentation de salaire de 5 pour cent. Ils se sont également indignés contre le fait que le comité directeur et le conseil de surveillance se soient lavés de toute culpabilité et offert des rémunérations supplémentaires élevées encore peu de temps avant. Pour tempérer cette mauvaise humeur la direction de VW a concédé le payement d'une participation aux bénéfices d'un montant de 3 950 euros à chaque salarié tarifaire. Cependant, cela ne résout pas le problème.

Nous devons développer des formes d'organisation de la résistance active contre ces activités du groupe VW, et ce faisant il importe surtout que nos cellules d'entreprise et de quartier prennent l'initiative. Il ne faut pas attendre une telle résistance de la part des dirigeants syndicaux et des délégués du personnel réformistes. Dès le début, ils se sont mis du côté de la politique de collaboration de classes et ont radoté de la « famille VW » qui doit « être solidaire » maintenant. Il n'en est pas question ! L’équipe de direction du groupe et le conseil de surveillance sont responsables des activités criminelles – et aussi le gouvernement fédéral et le gouvernement de la Basse-Saxe qui les soutiennent. Il faut leur demander des comptes et, le cas échéant, les poursuivre en juridiction pénale.

Rote Fahne : À Pentecôte, le 2e Festival de musique rebelle a eu lieu à Truckenthal. Quelle était la particularité de cet événement et quels en étaient les résultats ?

Stefan Engel : Au milieu de la polarisation sociétale le festival est devenu un événement du courant gauche, combatif, antifasciste et internationaliste parmi la jeunesse. Plus de 200 groupes s’y sont inscrits parce qu’ils éprouvaient le besoin de soutenir « un festival avec une position claire » comme l’a exprimé un des groupes.

Avec la lutte contre le concert fasciste une semaine avant à Hildburghausen, mais aussi à cause de la politique prolétarienne à l'égard des réfugiés le festival s'est politisé beaucoup plus fort cette fois-ci qu’il y a deux ans. C’est aussi de cette politisation que s’est dégagé l'essentiel de l'enthousiasme au festival.

La culture progressiste du festival s’est interpénétrée avec cet esprit rebelle, antifasciste et la lutte pour les droits et libertés démocratiques des réfugiés. Les programmes de soirée ont laissé une forte impression : Par exemple, quand des musiciens et révolutionnaires du « Printemps arabe » en Égypte et Tunisie se trouvaient sur scène ensemble avec des révolutionnaires venus d'Allemagne. Ou quand le pacte de solidarité entre l'ICOR et la lutte de libération kurde a trouvé son impact musical dans la coopération du groupe de musique célèbre Koma Berxwedan avec le groupe rebelle Gehörwäsche. Le festival entier avec ses 1 600 participantes et participants était marqué par une atmosphère révolutionnaire et internationaliste.

Les camarades du MLPD ont soutenu activement ce festival et apporté de manière engagée leur savoir-faire, leur discipline prolétarienne et leur engagement à l'auto-organisation du festival. Sans eux, cela n’aurait certainement pas été possible dans cette qualité !

L'organisation de jeunesse Rebell s’est fait un nom grâce à ces activités et devient une orientation pour de plus en plus de jeunes. Il est encourageant qu'un bon nombre de jeunes gens – en partie des groupes d’amis entiers – se soit organisé dans Rebell. Cela montre quelle attirance peuvent exercer aujourd’hui les positions révolutionnaires et marxistes-léninistes sur les jeunes gens, en particulier les jeunes réfugiés !

Le camp d'été de l'organisation des jeunes Rebell sera le prochain point culminant avec lequel nous devons développer davantage et éprouver ce travail. Je m'attends de cela des progrès significatifs pour la réalisation du travail marxiste-léniniste auprès de la jeunesse comme tactique de masse de notre construction du parti.

Rote Fahne : Dans la préparation de son congrès, le MLPD a établi la thèse que de nombreux pays néo-impérialistes se font jour. Quel est l'état des choses de la discussion ? Comment cela a été accueilli à la base ?

Stefan Engel : À la base du MLPD cette thèse est largement unifiée. Naturellement il faut encore faire davantage d’analyses à ce propos. Par contre dans le mouvement ouvrier marxiste-léniniste international cette thèse n’est encore partagée que par quelques peu d'organisations.

Nous supposons que la transformation de pays anciennement sous dépendance néocoloniale en pays néo-impérialistes constitue un nouveau phénomène du système impérialiste mondial dans le cadre de la nouvelle organisation de la production internationale. Sans cette évaluation on ne peut pas expliquer aujourd'hui ni les divers foyers de guerre comme en Irak et en Syrie, ni la crise écologique croissante, ni le déroulement de la crise économique et financière mondiale de 2008 – 2014.

Les pays néo-impérialistes ont pris forme à une vitesse vertigineuse lorsque le capital financier international a changé sa politique d'investissement depuis le début du nouveau millénaire. De manière accélérée il a inondé d’exportations de capitaux gigantesques surtout les pays sous dépendance néocoloniale et à forte population. Avec la privatisation des institutions et entreprises publiques et la transformation accélérée de l'agriculture paysanne en production industrielle des monopoles privés et nationaux s’y sont constitués à partir de la grande bourgeoisie nationale. Avec la formation de monopoles et de structures monopolistes d'État la transformation en pays néo-impérialistes commence. Cela concerne avant tout les soi-disant pays BRICS et MISTi, mais aussi l'Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis. Quelques grands monopoles, en particulier des soi-disant pays BRICS et MIST, ont même progressé jusque dans les rangs du capital financier international dominant sans partage. Le nombre des supermonopoles venant des pays BRICS et MIST dans le cercle des 500 monopoles les plus puissants du monde s'est quadruplé, de 32 en 2000 à 140 en 2014ii. Dans la crise économique et financière mondiale de 2008 à 2014 il y a eu la plus grande poussée pour la formation de pays néo-impérialistes, lorsque le capital financier dominant sans partage a inondé largement ces pays de capitaux excédentaires pour se sortir de la crise et résoudre ainsi le problème de la suraccumulation chronique de capital. La part des pays BRICS et MIST dans la création des valeurs ajoutées industrielles à l’échelle mondiale a doublé de 17 pour cent en 2000 à 34,9 pour cent en 2014iii. Le sommet G20 le 15/16 novembre 2008, le premier immédiatement après le début de la crise économique et financière, en a déjà dû tenir compte. Outre les anciennes plus grandes puissances impérialistes les chefs de gouvernements et d'État de la Chine, de l'Inde, du Brésil, de la Turquie, de l'Arabe saoudite, du Mexique, de la Corée du Sud, de l'Indonésie, de l'Argentine et de l'Afrique du Sud y étaient présents. Ils avaient progressé dans le cercle des représentants du capital financier international dominant sans partage et des puissances impérialistes de premier plan.

Comme je l'ai déjà dit, cette évaluation du MLPD a suscité un débat surtout à l'échelle internationale. On objecte par exemple contre le caractère néo-impérialiste de la Turquie qu’il n’y aurait « pas de monopoles indépendants ». Ceux-ci se trouveraient aux mains du capital étranger et l'État turc ne pourrait pas « agir indépendamment au niveau politique ». Les plus grands monopoles d'Allemagne inscrits dans le DAX se sont également trouvés à 56 pour centiv en possession du capital financier étranger, déjà en 2014. Pourtant personne n’affirmerait sérieusement que l'Allemagne n'est pas un pays impérialiste ! Aujourd’hui, aucun pays impérialiste, même pas la seule superpuissance restante, les États-Unis, ne peut plus agir absolument « indépendamment », sans alliés impérialistes, au niveau politique. La réalité actuelle de l'impérialisme est devenue beaucoup plus complexe et ne correspond pas au concept de réponses dogmatiques.

Une autre objection dit que les pays comme l'Arabie saoudite n'auraient guère « une propre base de production avancée ». En effet, il est caractéristique pour le capital financier international dominant sans partage de ne pas encaisser ses profits maximaux en première ligne à partir de sa propre base nationale de production, mais à partir de ses participations internationales et ses filiales. Le Qatar participe à VW à 16 pour cent et est donc sans doute propriétaire de capital monopoliste. Comment définir autrement des capitalistes monopolistes ? Le groupe pétrolier de l'Arabie saoudite Aramco est avancé au rang d’un des six supermonopoles les plus puissants du monde avec un chiffre d'affaires de 400 milliards de dollars US en 2013. Avec Aramco et sa valeur estimée de deux billions de dollars US l'Arabie saoudite tente maintenant la plus grande introduction en Bourse de l’histoire.

Ce que certains de ces pays ont de particulier c’est qu'ils ont une structure politique féodale. Cependant cela n'est pas déterminant pour leur caractère impérialiste. Cela valait aussi pour la Russie impérialiste à l'époque des tsars. Là aussi il y avait une superstructure féodale, tsariste, mais la base économique de l'impérialisme était déjà développée à un tel degré que le tsarisme a poussé à l’expansion internationale.

Les pays néo-impérialistes poursuivent, en partie de manière agressive, leurs propres intérêts expansionnistes. Ils se trouvent à la tête d'un armement agressif des appareils militaires. Actuellement l'armée de l'Inde possède, avec environ 1,3 million de soldats, des effectifs comparables à ceux de la plus grande armée de l'OTAN, des États-Unis. Les effectifs de l'armée de Chine s'élèvent à environ 2,3 millions, ceux de la Turquie à près de 830 000, de la Corée du Sud à 687 000v

Les pays néo-impérialistes justifient leurs prétentions impérialistes avec du chauvinisme et du nationalisme. Il serait ignorer la réalité de présenter leurs gouvernements et dirigeants souvent ultra-réactionnaires et fascisants comme Narenda Modi en Inde, Dilma Rousseff au Brésil, Jacob Zuma en Afrique du Sud ou Recep Tayyip Erdoğan en Turquie comme des « fantoches autocrates des États-Unis ». Ils représentent justement ce type de gouvernement dont les pays néo-impérialistes ont besoin pour imposer leurs revendications en matière de pouvoir à l'intérieur du pays et à l'étranger.

Les pays néo-impérialistes font avancer la destruction délibérée de l'unité de l'homme et de la nature de façon agressive. Protégés par l'auréole de prétendus « pays en voie de développement », la Chine, l'Inde, la Corée du Sud, l'Iran, l'Arabie saoudite, l'Indonésie, le Brésil, le Mexique, l'Afrique du Sud et la Turquie ont fait monter la part mondiale des émissions de CO2 de 29,5 pour cent en 2000 à 43,3 pour cent en 2013vi.

L’histoire nous enseigne que de nouveaux pays impérialistes ont toujours préparé des changements sur la scène politique mondiale. Le nouvel impérialisme allemand qui a fait son apparition à la fin du 19e siècle, n’a déclenché pas moins de deux guerres mondiales. L’actuelle multipolarité de l'impérialisme aggrave le danger de guerre général. La solution du conflit en Syrie échoue jusqu'à présent à cause des intérêts de pouvoir impérialistes les plus différents des divers participants. Là, il ne suffit pas que la Russie et les États-Unis tombent d'accord. Les pays néo-impérialistes c.-à-d. la Turquie, l'Arabie saoudite, le Qatar ou l'Iran y sont des bellicistes agressifs et se servent de mercenaires islamistes-fascistes pour consolider leur prépondérance au Proche et Moyen Orient. Naturellement avec l'apparition de nouveaux pays impérialistes les puissances impérialistes classiques ne disparaissent pas. Ainsi la concurrence inter-impéraliste s'intensifie dans un nombre croissant de points chauds et devient un danger de guerre général.

La spécification correcte qualifiant le caractère des États respectifs est d'une importance fondamentale pour la stratégie et tactique prolétarienne respective de la révolution socialiste internationale. Malgré toutes les forces destructives que produit cette tendance impérialiste mondiale : Par la croissance et l'union étroite du prolétariat industriel international et la rébellion de secteurs populaires de plus en plus larges contre l'impérialisme, les forces de la révolution socialiste internationale s'élargiront en même temps.

Rote Fahne : En ce moment, le MLPD est en train de préparer son Xe Congrès : Y a-t-il encore du temps pour cela vu la multitude des tâches ?

Stefan Engel : La lutte pour assumer le nouveau rôle sociétal du MLPD est inconcevable sans la poussée de conscience que nous conquérons avec notre Xe Congrès. Les derniers mois de la préparation du congrès ont été marqués avant tout par une grande initiative idéologico-politique de la base de notre parti. Ainsi la base a déposé 3 100 motions au sujet du rapport du Comité central et du programme remanié du parti. Chaque membre avait la possibilité, par intermédiaire de sa cellule ou son congrès de délégués sur place, d'apporter sa contribution dans ce progrès des connaissances. En cela le parti a acquis des qualifications dialectiques toujours plus subtiles de nouveaux phénomènes et changements essentiels dans la société et la conscience des masses. En outre, avec beaucoup de motions ou la préparation d'interventions il se crée une idée de plus en plus différenciée et universelle sur la manière dont notre système du travail quotidien et de l'activité de direction doit fonctionner aujourd'hui. Sans tout cela il serait inconcevable que le MLPD puisse si clairement prendre position et assumer son rôle dirigeant dans la polarisation sociétale. Ce processus contredit l'anticommunisme moderne qui interprète le centralisme démocratique comme monstre bureaucratique et administratif du haut en bas. Ce processus ne peut pas être comparé avec la manière dont se déroulent de tels congrès dans les partis bourgeois. Le MLPD se distingue par la grande initiative, la réflexion indépendante, la fermeté et conviction obtenues de haute lutte. Particulièrement encourageant est le fait que, malgré le travail idéologico-politique intense à la base, le parti n'a fait aucune concession sur sa responsabilité pratique dans la lutte de classes – au contraire ! Le MLPD a pris davantage d'influence et gagné de nouveaux alliés et il était aussi en mesure de briser son isolement relatif à plusieurs reprises. Tout cela s'exprime dans un recrutement de membres positif et aussi dans nos succès en matière de la politique financière. Des projets comme le Centre de santé à Kobanê et la « maison de solidarité » ont été financés essentiellement par le travail parmi les masses – et en même temps le renforcement financier du MLPD a réussi. Rien qu'en 2015 le MLPD et l'association de la jeunesse Rebell ont collecté des dons, petits et individuels, d'un montant de 1,8 million d'euros.

 Rote Fahne : Quelle a été l'évolution de la campagne de critique et d'autocritique en vue du XCongrès jusqu’à présent ?

Stefan Engel : Dans la première phase préparatoire du congrès, le Comité central a élaboré le projet du rapport et le projet pour le remaniement du programme de parti. Dans une deuxième phase de huit mois, la base s’est occupée de ces documents et a formulé ses motions à ce propos, elle a élu ses délégués et proposé des candidats pour les organes centraux.

L’actuelle troisième phase préparatoire du congrès sert avant tout à la préparation immédiate du congrès par les organes centraux et par les délégués élus. Il s’agit d’une phase, où des décisions et l’approfondissement idéologico-politique des questions soulevées prennent une importance particulière. Cela implique l'évaluation du débat à la base et d’en tirer des conclusions. Un élément évident de la préparation du congrès est le travail du parti entier dans la poursuite de notre campagne de critique et d’autocritique en tant que lutte pour le nouveau rôle sociétal du MLPD.

Comme progrès des connaissances idéologico-politique important, le parti a acquis, ces derniers semaines et mois, une compréhension plus profonde du rapport dialectique entre le facteur objectif et le facteur subjectif. Dans le passé apparaissait assez souvent la tendance à juxtaposer ces deux facteurs de la lutte de classe et à ne pas comprendre leur rapport fondamental. Le côté objectif de la lutte de classe constitue la base décisive du développement subjectif. En même temps, le développement subjectif dépend de ce que le développement objectif soit consciemment assumé et compris – et qu’on en tire les conclusions qui s'imposent.

Ainsi, l’année dernière, la base du succès de notre politique prolétarienne à l'égard des réfugiés a été le fait d'avoir compris que la politique de réfugiés bourgeoise se trouve dans une crise profonde et que, en même temps, les flux de réfugiés vers l’Europe ont fait émerger un nouveau potentiel pour la révolutionnarisation des masses. Par ce progrès des connaissances et au travail nous avons commencé à nous rapprocher peu à peu du nouveau rôle sociétal et nous avons pu nous renforcer de façon décisive. Cela en revanche influe aussi sur le facteur objectif.

 À l'avenir, ce progrès des connaissances sur l’unité des facteurs objectif et subjectif sera encore plus important. Vu que le développement de crise de l’impérialisme ne cesse de créer des situations nouvelles où les masses ne veulent plus vivre à l'ancienne manière, et où les dirigeants ne peuvent plus gouverner à l'ancienne manière. Dans de telles situations, le parti révolutionnaire en tant qu'avant-garde doit être en mesure de qualifier les nouveaux développements de manière exacte, et d’élaborer une stratégie, une tactique et une définition de la tâche appropriées.

Rote Fahne : Vous parlez d’une offensive idéologique. De quoi s’y agit-il ?

Stefan Engel : La propension générale du capitalisme à produire des crises renforce la recherche d’une alternative sociétale et favorise la franchise pour le véritable socialisme. Les gens se politisent davantage et posent des questions au sujet des dessous, des contextes et des solutions fondamentaux.

Les partis bourgeois ne peuvent pas leur fournir de telles réponses. Au contraire, un nombre croissant de gens se détournent d'eux. Environ un tiers des électeurs ont déclaré, lors de sondages actuels, qu’ils ne savent pas pour qui ils doivent encore voter.

Le Comité central a constaté, que nous ne nous sommes pas encore suffisamment préparés à l’offensive idéologique nécessaire à ce propos. Et pourtant il y a déjà toute une série d’initiatives et de moyens excellents pour ce faire : Le trésor de notre littérature marxiste-léniniste, des films ou également notre nouveau magazine Rote Fahne. Le MLPD a participé aussi à des rassemblements commémoratifs pour des insurrections révolutionnaires comme celle de l’Armée rouge de la Ruhr en 1920. Mais aussi des fêtes communes à l'occasion d'anniversaires ou de jubilés, ainsi que de solennelles commémorations, deviennent de plus en plus des événements idéologiques importants. Néanmoins, un dédain du travail idéologique continue à exister.

Pour faire des choix existentiels pour une vie révolutionnaire, pour s’organiser durablement, il faut clarifier les questions idéologiques plus approfondies, bref : Il faut en être vraiment convaincu ! Ce faisant, venir à bout de l’anticommunisme moderne continue à être la question centrale. Dans cette situation, les films du MLPD sur les classiques du marxisme-léninisme qui, jusqu’à présent, ont été réalisés au sujet de « La sainte chasse incendiaire contre le communisme » et de « Karl Marx », sont d'une signification importante. Les réunions tenues à ce propos jusqu’à présent ont incité les visiteurs énormément à y réfléchir de façon plus fondamentale.

Cependant, l’offensive idéologique doit surtout s'interpénétrer avec toutes les tâches et le travail quotidien. Afin de continuer à armer le parti dans ce but au plan théorique, le Comité central travaille au nouveau numéro de la série Revolutionärer Weg [Voie révolutionnaire] intitulé : « La crise de l’idéologie bourgeoise et l'enseignement du mode de pensée ». Comme le disait si bien Karl Marx, «Dès lors que l'on se rend compte de la nature exacte des rapports, l'effondrement que l'on constate dans les faits provoque le naufrage de toute foi théorique en la nécessité durable des conditions capitalistes actuelles.»vii Ce livre constituera une bataille préliminaire idéologique pour un nouvel essor dans la lutte pour le véritable socialisme. Le travail sur ce livre va de pair avec la perfection de notre compréhension de la propagation et de l’ancrage de l’idéologie prolétarienne et de l’enseignement du mode de pensée.

En plus, nous nous sommes attaqués à un livre sous le titre « Réflexions biographiques du MLPD sur le rôle de Staline ». Il ne s’y agit pas d’une biographie de plus sur Staline, mais de la lutte pour le mode de pensée quant aux questions les plus importantes du mouvement révolutionnaire et ouvrier international, soulevées en rapport avec l’appréciation de Staline. Notre ligne de base en est naturellement de défendre l’œuvre de Staline contre toutes les attaques par l’anticommunisme moderne. En même temps nous devons toutefois apprendre des acquis ainsi que des erreurs de Staline, ce qui inclut aussi une réflexion critique.

Nous attendons de ce livre, que des connaissances plus récentes extraites des archives en partie ouvertes seront également prises en compte dans ces réflexions et que surtout les camarades plus jeunes en apprennent davantage au plan idéologique. Le dernier travail central en cette matière était aussi le remaniement du programme de parti. Il ne s’y agissait pas d’écrire un nouveau programme, mais d'y intégrer consciemment le progrès des connaissances fait par le parti depuis le dernier remaniement du programme de parti dans les années 1990. Ce travail était à la fois une formation idéologico-politique importante pour le parti entier et nous a clairement montré qu'il faudra, à l’avenir, travailler davantage avec le programme de parti. Pour cette raison, le Comité central propose de renforcer désormais le travail avec ce programme par un tirage plus élevé et meilleur marché et de s’en servir de façon offensive aussi lors des élections au Bundestag en 2017.

Rote Fahne : On a dû se battre contre de nombreux obstacles pour réaliser la 2e Conférence mondiale des femmes de la base à Katmandou au Népal. Comment, de ton point de vue, a-t-elle atteint ses objectifs ?

Stefan Engel : La 2e Conférence mondiale des femmes fait époque quant à la nouvelle qualité de l’internationalisme prolétarien. Son succès repose surtout sur l’alliance de l’ICOR et de ses représentantes reconnues au sein du mouvement international des femmes avec les plus divers femmes dirigeantes, mouvements et organisations du mouvement combatif mondial des femmes. Cet « axe » a essentiellement contribué à ce que, actuellement, 61 pays soient inclus dans le processus des femmes de la planète. À juste titre, les femmes parlent d’un mouvement « des femmes de la planète », aux racines solidement ancrées dans les mouvements et organisations significatifs des femmes de la base.

Une base importante du succès de la conférence a été le fait que, au Népal, neuf organisations de femmes de différents partis progressistes, révolutionnaires et marxistes-léninistes se sont associées dans la « United Women Alliance » (UWA) pour préparer ensemble la rencontre mondiale. Dans le contexte du grand morcellement des organisations révolutionnaires au Népal, cela signifie une victoire importante – un signal, que ce morcellement peut être surmonté ! La Conférence mondiale des femmes a pu être préparée sur la base d'un large mouvement combatif des femmes au Népal et parmi la masse des femmes. Cela a été un progrès essentiel par rapport à la 1ère Conférence, déjà couronnée de succès, à Caracas en 2011. La Conférence mondiale des femmes est un succès vraiment obtenu de haute lutte, en dépit du terrible tremblement de terre et contre le blocus commercial imposé au Népal par le gouvernement réactionnaire Modi de l'Inde.

Il faut développer le niveau d'organisation international apparent à la Conférence mondiale des femmes – et surmonter le décalage quant aux organisations de femmes en Allemagne n'ayant pas encore pu se renforcer de manière correspondante. Nous pouvons présumer aujourd'hui que les atouts d'un travail consolidé du mouvement combatif des femmes en Allemagne rencontrent une conscience de femmes en éveil sur un large front.

Le mouvement combatif de femmes en Allemagne s'est positionné catégoriquement contre le racisme et le sexisme face au bourrage de crâne par le gouvernement contre les réfugiés à la suite d'actes de violence la nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne. Avec 14 000 participantes, nettement plus de femmes ont participé à des rassemblements et manifestations combatifs et internationalistes à l'occasion de la journée internationale de la femme le 8 mars 2016.

Rote Fahne : Rote Fahne s’est occupé ces derniers temps – dans un numéro en particulier – du phénomène « El Niño »viii. Quelle en est l'importance pour l’appréciation du développement de la catastrophe écologique ?

Stefan Engel : Le phénomène El Niño, récurrent environ tous les deux à sept ans, constitue une fluctuation naturelle dans l’interaction des systèmes de circulation de l’atmosphère et du Pacifique. En même temps se modifient, dû au réchauffement de la terre et comme expression du basculement accéléré dans une catastrophe écologique, les circulations océaniques et les trajectoires des vents. Ceci renforce « El Niño » et celui-ci, à son tour, se répercute de façon renforçante sur la crise écologique mondiale. Cela produit des effets énormes dans presque toutes les régions du monde. La pire catastrophe alimentaire depuis 30 ans en Afrique de l’Est a été provoquée par cela. Le blanchiment des coraux au plan mondial, le réchauffement-record des océans, la progression rapide de la fonte des glaces polaires etc. ont été accélérés. L'ouragan Patricia, tempête la plus forte jusqu’à présent sur la côte ouest du Mexique en octobre 2015, s'est formé sur ce fond. 2015 a été à son tour l’année la plus chaude depuis le début des enregistrements. La vitesse de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre dépasse celle des changements naturels des dernières 66 millions d'années de dix fois. Ainsi naît un état géologique exceptionnel.

Rien que du Bangladesh, 20 millions de personnes seront obligées de s'enfuir, au cours des dix prochaines années, pour des raisons d’environnement. L'analyse du MLPD dans son livre « Alerte à la catastrophe ! Que faire contre la destruction délibérée de l’unité de l’homme et de la nature ? » est donc correcte : Pour sauver l’environnement il faut mener la lutte contre l'économie de profit.

Rote Fahne : Le 1er juin 2016 tu vas sortir de la responsabilité de coordinateur principal international de l'ICOR. Quel est le bilan que tu peux en faire ?

Stefan Engel : Toute ma vie j'ai assumé des fonctions seulement lorsque j’étais en mesure de les accomplir dans la qualité et l'envergure nécessaires. Certes je n’ai pas de maladies aiguës, mais entre-temps je suis atteint dans ma santé à tel point que je dois me décharger de différentes tâches. Pour cette raison, j’ai demandé, l'année dernière, au Comité central du MLPD à me délier de cette tâche et à proposer, selon les statuts de l’ICOR, un successeur. Le Comité central a décidé ensuite de désigner pour cette coordination principale de l'ICOR Monika Gärtner-Engel, qui dispose d'excellentes conditions préalables pour cela. Le Comité de coordination international (CCI) de l’ICOR a respecté ma décision et a salué la décision du MLPD à l’unanimité. Entre-temps nous avons reçu des douzaines de lettres de l’intérieur et de l’extérieur qui rendent hommage au travail accompli et dont les auteurs voient ce changement surtout comme occasion d’assumer plus de responsabilité eux-mêmes.

Je prends congé de cette fonction avec un œil qui pleure et un œil qui rit. D’un côté, j'ai maintenant travaillé personnellement pendant neuf ans en position dirigeante pour la construction de l’ICOR. J'en avais développé l’idée, j’avais mis tout en œuvre pour mobiliser des partis et des organisations et aussi façonné un style encourageant la confiance mutuelle pendant les six dernières années dans mon travail comme coordinateur principal. En même temps la construction de l’ICOR est aujourd'hui suffisamment solide pour ne plus dépendre de ma collaboration personnelle en fonction dirigeante. L’ICOR a actuellement 49 partis et organisations membre originaires de 39 pays.

Depuis le début de cette année, l’ICOR a pu accueillir deux nouvelles organisations membre originaires du Togo et d'Égypte. La réunion du CCI en janvier a décelé une nouvelle importance sociétale de l’ICOR. Une idée fondamentale de sa fondation a été que plus jamais une lutte de libération doit subir une défaite en raison d'un manque de solidarité internationale. Le pacte de solidarité avec la lutte de libération kurde en a été la mise à l'épreuve la plus réussie jusqu’à présent – l’ICOR l’a maîtrisée avec brio. Cela n’a pas seulement empêché l'isolement de la lutte de libération kurde. Un nombre croissant de camarades kurdes, femmes et hommes, voient leur place – dans la pensée, la sensibilité et dans l’action – aux côtés du mouvement révolutionnaire et ouvrier international. La croissance de la confiance internationale et la fraternisation sont des biens supérieurs. Elles permettent également de continuer le débat sur des questions idéologico-politiques litigieuses de façon solidaire. Cela constitue un grand progrès, considérant que l’ICOR unit des partis et organisations révolutionnaires avec une histoire et des conditions très différentes. Mais la réunion a constaté aussi, que la croissance du rôle politique de l’ICOR à l’échelle mondiale se trouve en contradiction avec les structures continentales ne possédant pas encore la capacité d’action nécessaire actuellement, mais surtout à l’avenir. Le nouveau palier de l’internationalisme prolétarien se mesure surtout à la coordination pratique et à la coopération réelles dans la construction de parti et dans la lutte de classe. Il faut l'organiser à présent avant tout aux niveaux continental et régional.

Rote Fahne : L’année dernière l’ICOR a vécu un essor. Quelles tâches s'est-elle fixées ?

Stefan Engel : Le CCI de l’ICOR a adopté une série de décisions d’avenir, y compris pour une campagne à l'occasion du centenaire de la Révolution d'octobre ou pour la construction des « Amis de l’ICOR ». L’année 2017 sera consacrée à la campagne « Centenaire de la Révolution d'octobre ». Il s’agit de commémorer la révolution, « qui n’a pas seulement changé la Russie, mais aussi le monde. … L’ICOR rendra hommage à la Révolution socialiste d'octobre conformément à son universalité et actualité… »ix

La campagne durera du 1er janvier jusqu’au 7 novembre 2017. Vu la croissance du potentiel pour une crise révolutionnaire mondiale, elle lancera un signal lumineux au plan mondial de l’essor du mouvement révolutionnaire marxiste-léniniste et ouvrier international et de la nécessité de partis révolutionnaires. Au centre des activités seront l’ancrage de l’ICOR et l'organisation et le renforcement financier de ses organisations membre. En Allemagne nous voulons collecter 750 000 euros de dons, dont 10 pour cent reviendront à l’ICOR. En outre, il s’agit de conquérir le leadership d'opinion dans le débat de masse attendu sur ce centenaire dans la lutte pour la perspective socialiste.

À ce propos il y aura, au mois d’octobre en Allemagne, un séminaire théorique international sur les enseignements de la Révolution d'octobre, suivi d'un grand rassemblement culturel public. Des délégations de l'ICOR de tous les continents participeront aux célébrations traditionnelles à Saint-Pétersbourg le 7 novembre avec une manifestation à l’occasion du centenaire.

Le CCI a soumis aux organisations de l'ICOR aussi la proposition d'établir les « Amis de l’ICOR ». Je rappelle que l’ICOR est une organisation composée de partis et organisations membre révolutionnaires. En même temps augmente l’intérêt à l’ICOR de la part de groupes et d’individus qui n’appartiennent pas à des organisations membre de l’ICOR. Cela est bien souvent lié à des questions à savoir comment pouvoir soutenir l’ICOR sans être membre d’un parti de l'ICOR. Dans des pays où il n'y a pas d'organisations de l'ICOR jusqu'à présent, il sera ainsi possible que l’ICOR se manifeste et que les amis de l’ICOR deviendront le ferment de nouveaux partis révolutionnaires. Là où existent des organisations de l'ICOR, comme le MLPD en Allemagne, les « Amis de l’ICOR » peuvent fournir un travail important de soutien.

Au cours des dernières années, l’ICOR est aussi devenue une garante essentielle et une instigatrice pour d'importantes alliances non liées à des partis. Après la Conférence mondiale des paysans en juin 2016 au Népal, la deuxième Conférence internationale des mineurs aura lieu en Inde en février 2017. Elle adoptera un programme de lutte du mouvement combatif mondial des mineurs. Le mouvement international des mineurs est précurseur dans les efforts de lier la lutte pour les emplois avec la lutte pour la sauvegarde de l’environnement naturel.

Rote Fahne : Qu’est-ce que le MLPD s'est promis de faire ?

Stefan Engel : Déjà cette année, et puis surtout en 2017, l’offensive pour le véritable socialisme et contre l’anticommunisme moderne, en rapport avec la participation aux élections au Bundestag, jouera un rôle particulier. Il s’agit de profiter de l'ambiance politisée parmi la population et de faire valoir les progrès acquis par le travail ces dernières années. Ainsi s’est déjà créée actuellement une alliance de forces progressistes, combatives et révolutionnaires, qui prépare une coopération plus étroite aussi par rapport aux élections au Bundestag en 2017. Il s'agit de ce que la gauche révolutionnaire, internationaliste et radicale s'associe et qu'elle forme un pôle révolutionnaire net en opposition aux partis ultraréactionnaires et bourgeois. Le Parti de gauche n’est pas en mesure d’une vraie polarisation face au glissement à droite du gouvernement, parce qu’il lorgne lui-même une participation au gouvernement. L’alliance se réfère aussi à la coopération locale qui, jusqu’à présent encore, a lieu souvent sporadiquement en rapport avec des activités singulières. À ce titre, notre méthode précédente des initiatives électorales doit être élargie sous forme de rencontres d’alliés avec toutes les forces de la gauche révolutionnaire, avec des organisations progressistes de migrants et avec des individus qui veulent y participer. Nous espérons par cette alliance un renforcement net des potentiels révolutionnaires en Allemagne.

Une autre tâche importante définie pour ces prochaines années est de faire avancer le renouvellement des générations au sein du MLPD. Cela s'applique à tous les niveaux de notre parti où il faut le pratiquer par un travail d'instruction et de formation intense. Cela doit être accompagné de la promotion courageuse des camarades plus jeunes, femmes et hommes, dans de nouvelles tâches. Il est crucial de promouvoir tous les camarades, femmes et hommes qui, dans la polarisation sociale des derniers mois, se sont dépassés eux-mêmes, qui ont pris la tête dans des affrontements et luttes compliqués, qui ont fait courageusement preuve de fermeté et accompli notre travail quotidien révolutionnaire avec un grand dévouement.

Rote Fahne : Merci beaucoup !

i BRICS: Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud ; MIST: Mexique, Indonésie, Corée du Sud, Turquie

ii Fortune Global 500 – propres calculs GSA e.V. [Association déclarée]

iii Banque mondiale, world development indicators-chiffres concernant la « valeur ajoutée industrielle » - calculs GSA e.V.

iv Ernst & Young SARL Société d'audit www.de.ey.com.

v OTAN Press Release 10-3-2011 et 22-6-2015, et österreichisches Bundesheer [armée autrichienne] www.bundesheer.at

vi IEA ; www.globalcarbonatlas.org

vii Marx/Engels « La société communiste » (Les classiques des sciences sociales, édition électronique, http://classiques.uqac.ca)

viii Magazine Rote Fahne 5/2016

ix Décision de la 2e Conférence mondiale de l'ICOR

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